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Jérémy L.
9 novembre 2017

Enseigner l’économie autrement

Les économistes peuvent être une caste assez arrogante. Mais une décennie de traumatismes a eu un effet salutaire. Ils reconsidèrent maintenant les vieilles idées, posent de nouvelles questions, et de temps à autre accueillent des hérétiques parmi eux. Le changement est cependant lent à parvenir jusqu’aux programmes d’économie de l’université, où les étudiants sont toujours gavés d’introductions à l’économie non remises à jour?: rien sur l’histoire récente de l’économie et ses échecs. Quelques réformateurs énergiques travaillent à changer tout cela?: c’est une grande idée, et il était grand temps. Réformer l’enseignement de l’économie devrait produire des étudiants mieux à même de comprendre le monde actuel. Plus encore?: cela pourrait améliorer l’économie elle-même. “Le changement est cependant lent à parvenir jusqu’aux programmes d’économie de l’université, où les étudiants sont toujours gavés d’introductions à l’économie non remises à jour?: rien sur l’histoire récente de l’économie et ses échecs” L’économie est une matière aride (paraît-il), mais c’est une matière populaire dans les universités. Elle représente plus de 10?% des diplômes décernés chaque année dans les meilleures universités, et beaucoup d’étudiants choisissent un cours d’initiation à l’économie dans les options secondaires requises. Les enseignants veulent capter l’attention de leur public aux regards perdus dans le vague pour les initier aux bases de la discipline et, idéalement, leur permettre d’appliquer un raisonnement économique au monde réel. L’économie enseigne que les incitations sont importantes et les compromis inévitables. Elle enseigne que les tentatives naïves de résoudre les problèmes sociaux, de la pauvreté au changement climatique, peuvent avoir des conséquences imprévisibles. Ces cours d’introduction à l’économie permettent, au mieux, de discerner les suppositions implicites et les coûts cachés derrière les promesses roses des politiques et du monde des affaires. Les programmes courants sont pourtant loin d’être conçus pour inculquer ces leçons. La plupart des textes d’introduction commencent par exposer les modèles les plus simples?: les travailleurs sont payés selon leur productivité, le commerce ne lèse jamais personne et les interventions des gouvernements sur le marché provoquent toujours une “perte sèche”. Les économistes en activité savent que ces préceptes sont davantage vrais à certains moments qu’à d’autres. Mais les exceptions, si importantes, sont enseignées assez tard dans le programme, ou, le plus fréquemment, uniquement aux étudiants qui s’engagent ensuite dans une filière économie. C’est aussi le cas dans d’autres disciplines?: on commence par le plus simple. Les étudiants en physique apprennent la mécanique avec des modèles qui ne comprennent que les réactions les plus simples. Un étudiant qui abandonnerait ses études ne risque cependant pas de croire qu’il vit dans un vide sans frictions. “La plupart des textes d’introduction commencent par exposer les modèles les plus simples?: les travailleurs sont payés selon leur productivité, le commerce ne lèse jamais personne et les interventions des gouvernements sur le marché provoquent toujours une “perte sèche”” Les étudiants déboursent 300?dollars ou plus pour des livres de cours qui leur expliquent que dans les marchés soumis à la concurrence, le prix d’un bien devrait correspondre au coût de production d’une unité supplémentaire et, sans surprise, ils recrachent les réponses attendues. Une étude conduite sur 170 modules d’économie enseignés dans sept universités conclut que les notes lors des examens favorisent davantage la capacité à “appliquer un modèle” que les démonstrations d’indépendance d’esprit. Le projet CORE (acronyme de Curriculum Open-access Resources in Economics) veut changer les choses. CORE est né à la suite des protestations des étudiants chiliens en 2011 contre les lacunes observées dans leurs programmes. Un professeur chilien, Oscar Landerretche, a travaillé avec d’autres économistes pour concevoir un nouveau programme. À ses côtés, Sam Bowles, du Santa Fe Institute, Wendy Carlin, de l’University College London (UCL), et Margaret Stevens, d’Oxford, ont méticuleusement compilé les contributions d’économistes du monde entier dans un programme gratuit, accessible en ligne, qui propose des graphiques interactifs ainsi que des vidéos d’entretiens avec des économistes célèbres. Un nombre modeste mais croissant de professeurs enseigne l’économie sur la base de ce texte. “The Economy” couvre les notions classiques mais avec une approche très différente. Il commence par donner la vision la plus large possible en expliquant comment le capitalisme et l’industrialisation ont transformé le monde, puis invite les étudiants à réfléchir à son développement jusqu’à la situation actuelle. Les complications du capitalisme, depuis les dégâts sur l’environnement jusqu’aux inégalités, sont fermement exposées en plein jour. Il explique les courbes de prix, comme le font les manuels d’initiation, mais dans le contexte de la révolution industrielle, ce qui pousse les étudiants aux débats sur pourquoi, où, quand et comment l’industrialisation a démarré. Les idées de Thomas Malthus sont utilisées pour enseigner l’utilité et les limites des modèles économiques, en associant l’instruction technique à une leçon utile sur l’histoire de la pensée économique. “The Economy” ne rend pas l’économie stupide?; elle a volontiers recours aux maths et garde l’étudiant intéressé par des documents liés à l’actualité. Assez tôt, l’étudiant est mis en contact avec l’étrangeté en économie, depuis la théorie des jeux jusqu’aux dynamiques de pouvoir dans les entreprises, qui rendent le sujet fascinant et utile, et sont des notions à peine effleurées dans la plupart des cours d’introduction.

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